L'héritage

ission accomplie ! Tels étaient les seuls mots salvateurs auxquels pouvaient se raccrocher les colons arkhantes. Bien que l’alliance avec Khantaloréan fut conclue, le séjour dans ce castel si étrange laissait derrière lui une traînée amère. De grandes figures s’étaient éteintes… à jamais. La mémoire des colons était partie en fumée avec la mort de Maître Séverin d’Ostrogonde et leur voix s’était tue par la perte du barde Jéricho. La gorge serrée, les colons qui s’étaient entre-tués la veille avaient immolé les corps de leurs défunts camarades. Pour le peu qu’on en sache, le remerciement des Khantaloréens avait été austère : point d’or ni de magie, seulement un petit morceau de chair ayant appartenu à quelque obscur personnage. Une créature contre une autre, avaient-ils dit, la connaissance contre une autre…

omment les colons pouvaient-ils encore trouver la force de marcher vers Brazel ? Cet endroit devenu si dangereux d’où ne provenait plus aucune rumeur devait pourtant devenir leur prochaine destination. Ce n’était ni l’appât du gain ni le patriotisme qui les animaient. Non, c’était autre chose. Une rage si forte et si tenace qu’elle se répandait telle la peste jusque dans le cœur du plus pur. Les Arkhantes voulaient en découdre pour de bon avec ce qui était à l’origine de tous leurs soucis passés.

’est d’ailleurs en chemin que tous demandèrent à faire une courte halte. Non par peur de ce qui allait leur arriver, mais plutôt par envie de clôturer certaines affaires avant qu’il ne soit trop tard. La vie écourtée de leurs amis leur avait ouvert les yeux sur la fugacité de leur existence, si bien que certains eurent envie de se marier et d’autres, tout simplement de s’aimer. Ce moment de répit serait aussi une occasion d’écrire à la famille restée au pays dans l’espoir que ces lettres lui parviennent un jour, de faire part de leurs dernières volontés à leurs proches et de payer leurs dettes morales. Certains voulaient se confesser aux prêtres de Luksos et même se convertir. Les dirigeants de la troupe désiraient également mettre en place un plan d’attaque de la citadelle. Ils comptaient faire appel aux souvenirs de chacun et de chacune pour estimer au mieux ce qui les attendait au poste frontière.

uatorze Soleils après leur départ de Khantaloréan, tous s’arrêtèrent aux abords d’un vieux bâtiment à l’abandon. Il n’avait pas été possible de trouver un endroit plus sûr avant ce jour car la prudence était de rigueur. L’incident avec le stratège du Nord avait confirmé les doutes de chacun quant à la présence constante d’effectifs ennemis. Il fallait être mobile ou caché. C’est donc en ce 7ème Soleil de la Lune de l’Ecureuil de l’an 1604 que, le temps d’un bon repas, chacun se donnera peut-être enfin la peine de faire le point sur lui-même…