Les Chroniques d'Arkhan

BIBLIOTHEQUE - ART - SOCIETE - HISTOIRE - DIVERS
Arkhan : 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-11-12-14-15-16 / Soirées : 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10


Arkhan 16

L'envol

" Plus est en moi ! "

" Par tous les feux ! "

(...)

" ienvenue à Dakhla. " C'est par ces mots qu'avait repris conscience l'expédition partie depuis quatre Soleils dans les profondeurs de Brazel. Tandis que chacun se découvrait dans ses extrêmes, un processus plus vieux que la mémoire des hommes les avait entraînés, malgré eux et selon eux, à réveiller Gysher, un être qui patientait jusqu'ici dans son tombeau de pierre. Celui-ci, encore confus par sa longue léthargie, avait d'un baiser changé le comportement de Damion, chef de l'expédition. Tel un berger guidant son troupeau, Damion avait alors mené de façon surprenante les survivants, écartant la pierre, jusqu'à l'air libre non loin de Brazel.

ibres, ils étaient libres mais dans l'air flottait comme une odeur de mauvais augures. La vue des chariots portant les dépouilles de ceux qui avaient eu moins de chance leur rappelait les difficultés qu'ils avaient endurées.

urant cette expédition, les créatures hostiles avaient meurtri les chairs et pris leur lot macabre. Tous se souvenaient avec effroi de l'affrontement avec cette troupe aux ordres d'Umath. Le massacre qui s'en suivit avait alors éclaboussé les parois rocheuses d'un sang pourpre aussi bien Arkhante que Juste. De grandes figures s'étaient éteintes... à jamais. Les hommes de Crescence s'étaient révélés d'une aide incontournable dans ces souterrains violents et hostiles et, sans eux, le tribut aurait été bien plus lourd.

eur lente descente avait été d'une fulgurante élévation spirituelle. Emportées dans une spirale de couloirs, les consciences s'étaient ouvertes à d'autres réalités et avaient acquis de nouvelles certitudes. La découverte de vestiges kylgors inestimables et la présence incongrue d'un lutin, dès le gotha entré dans la chambre secrète de Gysher, avaient ébranlé plus d'un esprit fort.

e retour à Brazel, les choses devinrent plus claires tout en assombrissant le futur. Les rumeurs les plus folles avaient couru sur la situation de la Seconde Guerre Noire alors qu'ils étaient sous terre. Maintenant la réalité leur apparaissait dans toute sa simplicité.

e Siridar Crescence y Zima Seldas, homme désormais réputé pour la justesse de ses décisions et la rigueur avec laquelle il les faisait appliquer, avait su aménager la défense de l'antique citadelle en tenant compte de la présence des nombreux civils restés pour défendre leur foyer. Ces derniers, contraints à quelques précautions élémentaires, vivaient dans l'espoir de voir disparaître les sombres nuages situés au nord de leur cité, à quelques lieues à peine. Là-bas, disait-on, se livraient des combats incessants, sans trêve ni répit. Chaque Soleil charriait ses rivières de sang et les pertes étaient énormes de part et d'autre. La violence du conflit était telle qu'on en entendait le fracas jusque dans les habitations.

n va-et-vient continu d'hommes blessés ou morts rythmait chaque Soleil. Le regard de ceux qui, chanceux, revenaient de ce carnage était vide de vie, vide d'espoir. Ce même regard habitait ceux qui, définitivement éteints, rejoignaient les légions des trépassés pour servir une dernière fois leur patrie. Les rares paroles mentionnaient des magies abominables où des centaines de miliciens étaient balayés en quelques minutes, des monstres aussi grands que la tour de jade de Kalinor elle-même, des créatures inconnues qui volaient les âmes d'un seul regard et, pire que tout, la présence de plusieurs Prêtres-Sorciers pour mener les troupes d'Umath. Rien de tout cela n'avait encore été vécu sur le front depuis le début de Seconde la Guerre Noire. Rien de tel n'avait sans doute jamais été vécu depuis que le monde était monde. C'est sans doute pour cela que la Magiocratie n'avait pas hésité à y opposer le fleuron de son armée. Le Grand Siridar qui menait en personne les troupes sur ce qu'il convenait maintenant d'appeler l'Enclave, donnait à lui seul espoir aux 70.000 miliciens encore engagés dans le conflit. Secondé par ses Siridars en charge des cohortes dirigées par de nombreux chevaliers du Loup d'Argent, il avait su jusqu'à maintenant élaborer des stratégies qui résistaient à la vague déferlante du Prince Umath. Preuve en était de sa confiance en l'avenir, les 10.000 hâves arborant le masque mortuaire d'Aarzen n'étaient pas encore entrés dans ce bal macabre.

ervant de base de repli éventuel et de centre logistique, Brazel vivait des heures difficiles. Les miliciens de Crescence géraient un périmètre de sécurité tout autour de la citadelle. Les Brazélites avaient reçu comme consignes de reporter tout acte étrange et toute nouvelle personne civile aux autorités militaires. En effet, plusieurs espions avaient déjà été interceptés et passés par les armes après interrogatoire. S'il était juste et intègre, Crescence était sans pitié lorsqu'il le fallait. Sur ses épaules pesait le lourd fardeau d'assurer l'envoi continu de fournitures militaires. Potions, parchemins, médecines, armes, montures, vivres et hommes ne cessaient de transiter par les bases extérieures aux abords de Brazel pour rejoindre l'Enclave et y rencontrer leur destin.

ombien de temps ce conflit allait-il encore être incertain ? Tout le monde se le demandait. Chaque camp avait lancé des forces gigantesques dans cette bataille et beaucoup, à Brazel, comprenaient que la récente découverte de Gysher n'y était pas étrangère. Or celui-ci demeurait inexplicablement absent, si bien que seule la parole des gens de l'expédition et la proximité du conflit pouvaient encore prouver son existence. Même celui qu'on appelait son serviteur, Damion, ne semblait pas savoir où il se trouvait. Ce dernier avait d'ailleurs été démis de ses fonctions, son récent état jugé trop instable pour la tâche.

ant que l'Enclave tiendrait, la confiance subsisterait mais si l'entièreté des forces arkhantes n'arrivait pas à retenir cette marée monstrueuse, la porte vers la Magiocratie serait dès lors ouverte et Kalinor présenterait son flanc fragile aux crocs de l'Alliance d'Umath. Que Brazel fut sur sa route ne serait plus qu'un détail aux yeux de l'Histoire.

erdus chez eux, les Brazélites n'auraient alors qu'un simple dilemme pour fol espoir : rester en pensant pouvoir tenir ou partir en étant certains d'avoir perdu...

'est en la date du 26ème Soleil de la Lune du Serpent 1609, un peu moins de cent Soleils après le retour de l'expédition sous Brazel, que les habitants furent rassemblés sur la grande place car un message du front devait leur être délivré sans plus tarder. Le regard anxieux et les mains tremblantes, chacun détournait son regard du messager, comme si ce geste vain avait une chance de changer la nature de son oraison...

GAROU 2001