Le dilemme des espoirs

ibres ! Nous sommes libres ! " s’écria soudain quelqu’un dans la nuit. Au son de ce cri, certains se réveillèrent en sursaut. Ils se levèrent brutalement en jetant autour d’eux des regards incrédules. En un instant, ils étaient à la sortie de leur abri. La liberté, enfin... Las, rien n’avait changé depuis la veille au soir. La lune enveloppait toujours le camp de sa lumière indiscrète. Une pluie fine glissait doucement sur la toile des gourbis. Les sentinelles du Nord veillaient, fidèles à leur poste. Le reflet de leurs armes sur leur visage trahissait leur inhumanité. Inutile d’espérer prendre la fuite.

a plupart des prisonniers dormaient encore. Nombreux étaient ceux qui n’avaient rien entendu. Qu’ils dorment en paix ceux-là. Rien ne sert de les décourager plus encore alors que la certitude de s’en sortir abandonne tout le monde petit à petit.

epuis leur décision de ne pas s’allier au Nord, les quelques liens existant au sein du groupe des colons s’étaient encore effrités. On aurait dit qu’un poison insidieux distillé par le Maître dans l’esprit de chacun faisait son office. Même ceux reconnus parmi les plus tempérés perdaient leur calme. Tous étaient cependant unanimes pour maudire ceux qui avaient choisi de rejoindre l’autre camp.

rès de trois Lunes s’étaient écoulées depuis le banquet. Une Lune et demi après le départ du Maître, les prisonniers avaient repris leur voyage. D’aucuns s’étaient rendus compte que le convoi progressait vers le Nord-Est sans que cela puisse amener une conclusion de la moindre importance. On parlait de Belzélis, de Nyokarn, de Brazel. L’horizon se résumait aux mines de sel, aux défaites magiocratiques ou encore à certaines expériences énigmatiques. Il était inutile d’essayer d’obtenir le moindre renseignement sur la destination finale. Le stratège dirigeant la troupe était aussi taciturne que circonspect.

e cap de l’année nouvelle avait été franchi et même dépassé. Pour tous, ce passage s’était déroulé au fond d’une geôle pourrie, en compagnie des rats, avec une soupe au goût indéfinissable en guise de festin. On était loin de l’agape offerte par le Maître quelques Soleils auparavant. Pourtant, on ne pouvait pas dire que les prisonniers étaient mal traités. Certes, les rares tentatives d’évasion avaient été punies de manière exemplaire, si bien que plus personne n’osait encore y songer, mais la cruauté gratuite que certains redoutaient après les épisodes d’Elian, le frère de Thifar et de Séverin n’avait plus fait parler d’elle. Seuls ceux qui étaient représentants de l’autorité magiocratique avant leur emprisonnement et les membres de la Guilde avaient encore à redouter ci et là une convocation nocturne, mais ces événements avaient tendance à s’espacer dans le temps. La fatigue du voyage gagnait tout le monde et le mauvais temps n’arrangeait rien. Ce périple aurait-il bientôt une fin ?

eux qui s’étaient levés rejoignaient leur couche. Un simple rêve avait suffi pour faire naître l’espoir parmi ceux qui avaient entendu son cri. Celui qui l’avait prononcé dormait sans doute encore du sommeil du juste, sans se rendre compte de ce qu’il avait causé. Tant mieux pour lui. Dans les regards échangés des prisonniers éveillés, seul pointait encore le désespoir...