Les Chroniques d'Arkhan

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La mort d'Abel

oudain, sortant du couvert de la sapinière, ils apparurent. Le tambour les avait quelque peu précédés mais il espérait, le coeur battant à tout rompre qu'il ne s'agirait que d'une poignée d'orcs en manque de bataille. Le stratège s'avança comme on peut s'avancer lorsqu'une armée vous suit et sa fierté, sa joie d'avoir pu pénétrer le secret ne trouvait d'égal que dans le sentiment de trahison qui envahit les colons. La porte était restée ouverte et il pensa qu'un traître s'était glissé parmi eux. 

l n'eut pas le temps de s'interroger car ce qui sortit ensuite de l'obscurité, en pétrifia bon nombre d'effroi. Deux créatures, tout droit nées des flammes noires du plus maléfique des feux, pénétrèrent la pénombre, puis la clarté dansante des torches. Et ce fut comme si la forêt s'était mise à pleurer, comme si la lumière s'était mise à croupir, comme si la vie elle-même s'était mise à mourir. Tout se précipita, tout se mélangea ; sentiments, sueur, froid et raison...tout ne fut plus qu'une glaise putréfiée dans le creuset du chaos. La voix, raisonna dans le déluge, celle qu'il avait entendue furieuse puis craintive, déchira les ténèbres, déchaînée et vindicative...des hommes allaient tomber... " Maintenant, choisissez votre camp ! " La forêt rugissait par sa bouche .

l regarda le Grand Cornu mais son choix était déjà fait, il l'était depuis cette marche interminable où Girion était tombé, il l'était depuis ces nuits dans les geôles, ces nuits déchirées des cris de ses amis torturés, il l'était depuis ce soir où il vit un vieil homme affamé et meurtri se relever tandis que d'autres, repus s'agenouillaient ; il l'était, enfin, depuis que le regard du maître avait violé le sien. 

vrai dire, très peu eurent à le faire, car l'ennemi fonçait droit vers le cristal et il leur eut fallut briser les rangs et s'exposer pour fuir ou rallier l'autre cause. Certains hommes allaient entrer dans l'héroïsme parce que la retraite était impossible. Le tambour se tut, le temps se figea comme si les opposants venaient d'en voir au-delà, comme si les corps et les visages de ces corps leur étaient apparus. 

l vit son sang sur la mousse du bois, sa paume était profondément entaillée...leurs paumes l'étaient toutes. 
Il lui sembla, un instant, que les guerriers étaient redevenus des guerriers...que les hommes prenaient conscience de ce qui se préparait. Il regarda à ses côtés et vit une jeune femme en cotte de mailles, sa chevelure sombre lui tombait sur les épaules et à son grand étonnement, elle souriait... il revit sa vallée, sa cascade, son camp et les gens qui y vivaient. Tant de choses s'étaient produites depuis, tant de frères étaient morts, tant de souffrance, tant de douleur. Il fallait que cela cesse.

e choc fut terrible, l'armée du nord, exhortée, piquait, coupait, hachait, étripait tout ce qui lui était à portée. Le second sang coula et bientôt, cris de douleur et de rage vinrent s'y mêler...

e que l'on vit ce soir-là fut ahurissant ; les orcs se bousculaient pour venir s'empaler sur les lames qui s'hérissaient devant eux , on eut dit qu'ils craignaient plus les deux démons qui évoluaient dans leurs rangs que la multitude de colons qui eurent donné leur vie pour que la forêt l'emporte et, ce faisant, en eurent ôté quelques unes ,somme toute, moins justifiables. 

elui qui se tenait devant lui, devait le dépasser de deux têtes, l'écume lui sortait de la bouche ou plutôt, de la gueule car les dents qu'elle renfermait, avaient la couleur du souffre. Il portait des peaux pourrissantes et les bras qui tenaient son épée égalaient l'épaisseur des bûches que l'on flambe pour se réchauffer. Ils étaient monstrueusement puissants si bien qu'à son avis, le colosse devait être capable d'arracher un bouleau comme on cueille le blé trop mûr. Mail il ne connaissait les orcs que trop bien...IL attendit que le coup s'abatte, l'évita et un genou en terre, lui enfonça sa lame dans la panse jusqu'à la garde. Le monstre hurla de douleur , lâcha son arme et tenta de lui attraper la gorge.

l y parvint mais ne put serrer l'étreinte car plus il y mettait de force plus la vie s'en allait...leurs regards se croisèrent et le Ghanjar crut y lire une incompréhension totale...les yeux du monstre se fermèrent pour toujours. Il dégagea son épée des entrailles de la bête et se releva.

es frères et soeurs faisaient front, les colons faisaient front mais l'ennemi était de taille et bientôt, une brèche fut faite à sa droite. Deux orcs monstrueusement puissants venaient de percer les rangs et il n'eut fallut qu'autant de Ghanjars pour les arrêter si un stratège ne les avait suivis. Il prononçait des incantations inconnues gluant l'un, pétrifiant l'autre, liquéfiant tout homme assez fou pour faire face au danger. Les colons reculaient, les orcs avançaient...il se précipita devant eux.

eux monstres affolés, deux orcs immondes tuant chacun avec deux haches se préparaient à lui ôter la vie. Il allait mourir, cela ne faisait aucun doute...quatre armes contre lui, c'était trois de trop. 

l ne comprit pas immédiatement ce qu'il lui arrivait, son sang coulait abondamment et son bras gauche le faisait atrocement souffrir mais ses deux adversaires gisait devant lui. L'un était totalement étripé et la tête de l'autre gisait à un mètre de ce qui lui restait de corps. Durant un instant, il n'avait rien vu, la douleur lui avait fait perdre connaissance et lorsqu'il ouvrit les yeux, il ne réalisa pas ce qu'il s'était passé. Elle lui passa un bras autour du torse et l'aida à se relever. Ses cheveux sombres étaient maintenant couverts de sang et il l'a reconnu, elle était toujours vivante mais son sourire avait fait place aux traits tirés de la rage. Elle lui aurait dit comment un des démons avait déchiqueté ses adversaires et comment celui-ci s'en était allé dédaignant un adversaire qu'il crut mort mais elle n'en eut pas le temps... Le démon se retrouvait à nouveau face à lui, face à eux.

l n'avait rien d'humain, sa peau noire était transpercée de cornes et il se tenait debout sur deux sabots. Il tenait pour seule arme, une hache à deux tranchants qu'il maniait avec une telle aisance qu'on eut dit qu'elle n'avait pas de poids. Son visage était celui d'une bête, une gueule renfermant deux rangées de crocs, des yeux de serpent...çà et là des poils drus sur la peau de son crâne.

l leva son arme d'un bras et l'enfonça dans le dos d'un colon se battant à proximité. Le bruit de l'armure éventrée, celui des os broyés...tant de sang...Il avait tué comme s'il avait chassé une mouche, il avait tué sans haine, sans raison, juste parce qu'il était né pour cela et qu'il ne cesserait tant qu'il serait en vie. Le Ghanjar se précipita tentant tant bien que mal de frapper avec un bras hors d'usage et il y parvint, sa lame pénétra la chair du monstre juste au-dessus de son genoux. La blessure était si profonde qu'il ne put retirer son arme de l'amalgame de chair, de muscles et de sang noir qui l'emprisonnait. Le démon hurla plus de rage que de mal, lâcha son arme, saisit la lame plantée dans sa cuisse et le cou de son attaquant. Il serra son étreinte d'une main tout en extirpant le morceaux de métal de l'autre. 

a pression exercée était insupportable, il tenta tout d'abord de lui faire lâcher prise mais rien n'y fit.

a terre se mit à tourner, les formes devinrent floues et les bruits s'atténuèrent.. il ne pouvait plus respirer... Il mourait, il mourrait et le savait...dans un dernier effort, il sortit une dague de sa ceinture et, tandis qu'il voyait une forme assener coup sur coup au monstre, se mit à planter la dague encore et encore dans le ventre du monstre, le sang noircissait ses mains tant il piquait.

l était assis sur la mousse du bois rougie par son sang, ils étaient tous là devant lui...Galaad, Corak, Sequoia, Hermine, Shira...ils étaient tous là et il lui sembla reconnaître des visages du passé... d'abord un, puis un autre et un autre encore... il en vit un qui lui était inconnu et il sut... Il Lui tendit la main.

GAROU 2001